Le programme Co-Create vise à soutenir des projets de recherche et de développement expérimental menés en co-création avec les actrices-acteurs du changement.Qu’elles soient actives au sein d’institutions publiques, d’entreprises, d’organismes de recherche, d’associations ou simplement habitantes de Bruxelles, ces personnes sont celles qui sont confrontées au risque du changement, celles qui vont devoir changer leurs pratiques, vouloir/pouvoir/devoir porter, s’engager pour, ou opérer les réponses, s’adapter, faire des expériences, risquer de se mettre hors-cadre. Le projet œuvre pour que les actrices-acteurs du changement aient la capacité de relever les enjeux de recherche et de développement expérimental que sous-tendent éventuellement les problématiques sociétales visées.

Remarque: il s’agit d’une logique d’inclusion et non d’une exclusivité réservée aux actrices-acteurs du changement. Il ne s’agit donc pas d’une disqualification de l’expertise extérieure. Celle-ci est tout autant nécessaire que celle des personnes concernées. Le programme Co-create invite au contraire cette expertise à s’internaliser. Il invite les porteurs de ces expertises à considérer leur engagement en tant qu’actrice-acteur du changement et à ne pas se limiter à une posture d’allier, de soutien extérieur.[1]

Toutes les problématiques ne nécessitent pas un travail en co-création. Typiquement les problématiques où la co-création est les plus pertinente sont les problématiques où se combinent une dimension systémique (cf 1.3 durabilité sociétale) et une hétérogénéité des valeurs sociétales.

L’engagement dans la recherche ou le développement expérimental va plus loin que la participation : Le projet est construit à partir des enjeux des co-chercheuses-co-chercheurs, co-développeuses-co-développeurs et de leurs hypothèses. La problématique est formulée depuis leurs situations. Leur implication est toujours active et ces personnes exercent une influence cruciale sur la conduite de la recherche, sur sa conception ou ses méthodes, ses produits, sa diffusion ou son utilisation.

Le sens commun. Un sens commun implique une compréhension partagée et une convergence partielle ou du moins mutuellement compatible autour des objectifs, designs, concepts et finalités du projet. Il s’appuie sur une reconnaissance et un usage de la pluralité et de l’hétérogénéité de la compréhension des situations, objectifs et valeurs sociétale que le projet sous-tend en vue de développer des stratégies d’actions communes[1]. Il s’agit donc bien d’intégrer « une pluralité de conceptions sans perdre le sens de l’existence d’une possibilité de connaissance et de réalisation d’ensembles de valeurs qui puissent dans les faits être communs, ou devenir communs ».[2] Rem. Les controverses, inégalités, rapports de forces, désaccords, hétérogénéités de points de vue doivent pouvoir être visibilisés et travaillés au sein d’un projet en co-création. Ils sont même révélateurs d’une co-création effective. Ils ne doivent donc ni être évités ni accueillis comme des obstacles, de la malveillance, des incompatibilités mais bien comme des réalités et des possibilités de transformations mutuelles. En revanche, cela s’anticipe, se travaille et s’accompagne (cf. précisions et points d’attention)

La figure ci-dessous décrit les caractéristiques attendues concernant les niveaux d’engagement et de sens commun au sein de la communauté constituée. Soulignons que le programme est conçu pour construire progressivement et consolider cette communauté. Les situations ne permettant pas l’engagement des actrices-acteurs du changement sont à problématiser. Un niveau « participation » peut par exemple être envisagé mais cela doit être particulièrement analysé et justifié au regard des enjeux des caractéristiques de la co-création et de l’impact du projet. Ceci notamment au niveau du pragmatisme de l’implication et risque d’instrumentalisation (pourquoi? Qui investigue sur qui/quoi, qui mobilise qui ? au service de quoi ?), du risque d’isolement, d’entre-soi, des stratégies et méthodes d’inclusion, des postures épistémiques[3], des relations au changement visé, du sens commun, des relations de pouvoirs, etc.


[1] Cet aspect est décrit dans : Tom Dedeurwaerdere: Transdisciplinary Research, Sustainability, and Social Transformation Governance and Knowledge Co-Production et plus particulièrement le chapitre « The pitfalls of unstructured pluralism of societal values ». Publié en décembre 2023 par Routledge.

[2] Repris d’une édition électronique réalisée à partir du texte du professeur Immanuel Wallerstein intitulé OUVRIR LES SCIENCES SOCIALES. Rapport de la Commission Gulbenkian pour la restructuration des sciences sociales, présidée par Immanuel Wallerstein. Traduit de l’américain par Jean-Michel et Sophie Blanquer. Paris: Descartes & Cie, 1996, 117 pp.

[3] Il s’agit de la relation des membres de la communauté par rapport aux connaissances : comment ils se positionnent par rapport aux différents systèmes de connaissances et comment ils les produisent, les acquièrent, les utilisent, les légitiment, les valident, les transfèrent, etc.


[1][1] Ceci est notamment explicité dans le livre de Louis Staritzky, La recherche comme expérience(s). Vers une sociologie des tentatives.