Le projet CosyFood a produit des outils qui ont généré des résultats de recherche suite à leur mise en œuvre. Ces résultats s’observent et se traduisent de façon générale et comparative mais aussi singulièrement pour chaque partenaire du projet.
L’ÉVALUATION COMPARATIVE
Les 3 filières partenaires du projet se sont autoévaluées à l’aide de l’outil commun. Des 105 indicateurs du référentiel de durabilité développé, nous en avons testé 79. Finalement, 35 ont été retenus dans le cadre de la présentation des résultats finaux fournis par l’évaluation PCI.
Des données ont été collectées (entre juillet 2017 et avril 2018) pour les d’indicateurs via des entretiens semi-directifs avec des personnes ressources au sein de chaque filière et via une enquête en ligne auprès des producteurs ou fournisseurs de chaque filière, les travailleurs de chaque entité de chaque filière et les consommateurs de chacune des trois filières.
On a fait une analyse de ces résultats selon 6 promesses de durabilité qui reviennent régulièrement au sein des alternatives alimentaires.
- Démocratisation – la volonté d’inclure les producteurs, fournisseurs et consommateurs dans la prise de décision du système de distribution
- Équité dans les échanges – des échanges qui se fondent sur le respect mutuel et la recherche d’une finalité commune
- Viabilité économique et conditions de travail – un travail viable et vivable pour tous les acteurs de la filière
- Sensibilisation – des consommateurs impliqués et conscients des impacts de leurs choix
- Accessibilité – une alimentation sain et durable à la portée des tous
- Développement du territoire – un système alimentaire qui fait vivre le territoire
Chaque thématique est abordée en trois temps correspondant à trois types de questions :
Questions de pratiques
Qu’est-ce que le système de distribution fait ?
Qu’est-ce que vous faites pour rendre les produits accessibles à tout type de public ?
Questions de vérification
Quel est le ressenti des parties prenantes par rapport à ces pratiques
Comment évaluez-vous l’accessibilité des produits au sein de ce système de distribution ?
Questions d’impacts
Quels sont les impacts sur les parties prenantes ?
Le profil socio-économique des consommateurs du système de distribution
Pour chaque indicateur, le score est présenté par une boule coloriée qui indique si le résultat
correspond à l’idéal mis en avant
s’approche de l’idéal proposé mais avec une bonne marge d’amélioration
s’éloigne de l’idéal
Globalement, on constate que les résultats des 3 partenaires évalués sont fortement liés à leurs identités et leurs priorités. Ainsi, la sensibilisation des mangeurs et le sentiment de reconnaissance du travail des producteurs sont plus importants du côté du réseau des Gasap ou de La Vivrière que de chez Färm, alors que de son côté, Färm permet de toucher un public plus large et diversifié et d’écouler une plus grande quantité de produits locaux (en volume). Ce premier exemple permet déjà de mettre en avant la complémentarité que peuvent avoir ces systèmes, chacun agissant de manière différente et s’adressant à des besoins ou des publics différents.
Une analyse plus fine est élaboré dans le rapport d’évaluation complet.
Soulignons un point commun au 3 systèmes : trop de producteurs ou transformateurs ne gagnent pas un revenu décent (entre 29 et 48 % de ceux-ci ne gagnent pas le salaire minimum vital qui est de 1046€ par mois). Et cela, malgré la volonté des 3 systèmes de participer à des échanges commerciaux justes et équitables. Cette mauvaise surprise semble découler du fait que ces 3 initiatives s’inscrivent dans un contexte qui dépasse leur marge de manœuvre, elles-mêmes faisant partie d’un système plus global. Ainsi, si des initiatives peuvent avoir un impact sur certains aspects, afin d’avoir un impact plus important, elles gagneraient à se rassembler et se renforcer mutuellement car elles ne peuvent y parvenir en restant isolées.
Prendre conscience de ces résultats et de leur discussion, notamment dans le cadre d’une comparaison entre les 3 filières, a eu un impact sur le pilotage futur de chacun des filières.
Cosyfood – évaluation de durabilité de 3 systèmes alimentaires Bruxellois
Les effets de l’évaluaton sur le Réseau des Gasap
Les effets de l’évaluaton sur Färm
Les effets de l’évaluaton sur la Vivrière
RÉSULTATS DES OUTILS SPÉCIFIQUES
Chacun des partenaires a également développé des outils destinés à une utilisation interne.
La Vivrière (ruche qui dit oui ! de Forest)
a développé une grille de diagnostic de ses producteurs.
Les résultats sont disponibles sur le site de la vivrière et sont publiés dans un livre, disponible sur demande auprès d’Aurélie Labarge : info chez poids-gourmand.be
Aurélie nous partage en vidéo les résultats du projet au sein de La Vivrière
Le Réseau des GASAP
a développé un système participatif de garantie (SPG)
Après 2 ans d’expérimentations et une dizaine de visites, le processus SPG est rodé et a montré son efficacité. C’est un processus appelé à continuer et à intégrer tous les producteurs du Réseau.
En termes de résultats, chaque visite entraîne des améliorations, parfois déjà en gestation mais que le processus SPG a déclenchées.
Quelques exemples :
- renforcement de partenariat producteurs – mangeurs
- amélioration de la communication (bi-)hebdomadaire par l’appel d’un·e GASAPien·ne à son producteur et relais des informations vers l’ensemble des GASAP de ce producteur
- Remobilisation des groupes suite à la visite et l’amélioration de la communicatio
- Renforcement de partenariats entre producteurs : Echanges de pratiques et achats mutuels entre producteurs d’une même région qui n’interagissaient pas
- Amélioration de la biodiversité : installation de nouvelles haies, amélioration des pratiques de captage et d’utilisation d’eau de pluie
- Recherche d’un prix plus juste et rémunérateur : assemblée annuelle du producteur avec l’ensemble de ses GASAP pour s’accorder sur un nouveau mode de calcul des prix
Le processus SPG permet l’expression des envies et besoins de chacun et de mieux comprendre et d’améliorer de manière continue les pratiques agricoles et de consommation.
Au-delà du Réseau des GASAP, différentes dynamiques similaires au SPG existaient ou étaient en préparation dans des initiatives ou organisations liées à l’agroécologie. Il a été possible d’animer les rencontres de ces différentes initiatives et de créer une plateforme SPG, sous la bannière d’Agroecology In Action, dont le résultat est un Processus SPG commun à ces différentes initiatives, avec un référentiel agroécologique commun.
Färm
a développé une Charte Biens et Services et un Guide d’optimisation de Gestion des Déchets.
La Charte Biens et Services et le Guide d’optimisation de Gestion des Déchets ont été intégrés à la Charte de Gestion (disponible sur le site de Färm à partir de septembre), charte signée par tous les affiliés présents et à venir. Ainsi, aujourd’hui ce sont 9 magasins à Bruxelles et en Wallonie qui sont concernés. D’ici quelques années, il est prévu que cela en concerne 17.
Comme premiers résultats tangibles dès 2018, deux secteurs sont à relever : l’électricité et les déchets organiques.
- Electricité : 75% des entités de Färm se fournissaient auprès d’Energie2030, une coopérative produisant de l’énergie renouvelable et fournissant exclusivement l’électricité qu’elle produit (pas de verdurisation par certificats).
- Déchets organiques : Tous nos magasins et l’atelier de cuisine faisaient le tri des déchets organiques, et 3 d’entre eux les traitaient via un compost.
Ces éléments sont des premiers signes d’actions concrètes pour des pratiques plus durables, y compris pour ce qui ne concerne pas l’alimentaire directement mais tout de même lié à notre activité.
Au final, la participation au projet CosyFood aura eu plusieurs influences auprès de Färm. Nous ne parlerons pas forcément de grande révolution pour tout, mais plutôt des coups supplémentaires sur le clou, pour nous rappeler l’importance d’être exigeant et d’aller plus loin. Nos exigences et engagements sont formalisés dans 4 Chartes (disponibles sur notre site ( www.farm.coop) à partir de septembre 2019).
- La Charte Gestion assure la cohérence des engagements et des actions entreprises par Färm en termes de gestion et d’approvisionnement de services et biens divers.
- La Charte Produits de Färm continue d’accepter de nombreux produits pour s’adresser au plus grand nombre, mais comprend plusieurs exigences quant à l’origine des produits par exemple, ou la certification commerce équitable pour certains produits : café, chocolat…
- La Charte filière et commerciale prévoit que tous les magasins Färm propose les produits des filières co-construites par Färm sous la marque Nu! Cette marque ne propose que des produits locaux, en filière courte et transparente, au sein de laquelle une rémunération décente et équitable est assurée pour chacun des acteurs, y compris les producteurs évidemment.
- La Charte Sociale et de Gouvernance Participative formalise la possibilité (et le devoir) de participer à différents organes transversaux au sein de Färm, de manière à s’assurer que le développement du projet puisse se faire en bonne intelligence et avec les intelligences, savoirs et points de vue du plus grand nombre.
Si cela est valable pour le fonctionnement opérationnel, la participation de chaque catégorie de coopérateurs, représentant les différentes parties prenantes de ce système de distribution (investisseurs, directeurs, travailleurs, clients, fournisseurs et affiliés) reste au cœur du projet, grâce à une représentation de chacune de ces catégories au conseil d’administration. Cela existait avant CosyFood, mais il est clair que la participation au projet renforce notre conviction que la gouvernance participative est importante et qu’il convient de la maintenir voire la renforcer.
ARTICLES SCIENTIFIQUES
Les évaluations et les résultats ont également été valorisés dans le cadre de la rédaction de plusieurs articles scientifiques, qui sont parfois encore en cours de reviewing dans des revues internationales.
Articles
- CosyFood (under review). »L’évaluation participative au service de la construction d’(un système alimentaire juste et durable pour les Bruxellois : réflexions à partir de l’expérience de trois filières de distribution alternatives ». In « Les systèmes alimentaires justes et durables à Bruxelles. Contribution de six projets de recherche action participative à leur réflexion et leur déploiement », Éditions Academia-L Harmattan
- Lohest, F., Bauler, T., Sureau, S., Van Mol, J., Achten, W., (under review). “« Linking food democracy and sustainability on the ground : learnings from the study of three alternative food networks in Brussels « . Politics and Governance.
- Lohest, F., Bauler, T., Sureau, S., Van Mol, J., Achten, W., (under review). « Vers une complémentarité des alternatives alimentaires urbaines : relocalisation des activités et écologisation des pratiques au sein de trois alternatives de distribution à Bruxelles ». Développement durable et Territoire.
- Sureau, S., Lohest, F., Van Mol, J., Bauler, T. ,Achten W. (2019). “Participation in S-LCA : A Methodological Proposal Applied to Belgian Alternative Food Chains (Part 1).” Resources 2019, 8, 160. https://www.mdpi.com/2079-9276/8/4/160
- Sureau, S, Lohest, F., Van Mol, J., Bauler, T., Achten, W. (2019). “How Do Chain Governance and Fair Trade Matter ? A S-LCA Methodological Proposal Applied to Food Products from Belgian Alternative Chains (Part 2).” Resources 2019, 8, 145. https://www.mdpi.com/2079-9276/8/3/145
Communications
- Lohest, F. & Nothomb C., (2018). « Les indicateurs participatifs et leurs promesses. Réflexions et retours d’expériences à partir d’un projet de recherche-action participative sur la construction d’indicateurs de durabilité des systèmes alimentaires alternatifs locaux (Bruxelles, Belgique) », Communication présentée au Colloque Scientifique International sur les Indicateurs du Bien-Vivre, Grenoble, 6, 7 et 8 juin 2018.
- Lohest, F. (2018). « Quelle transition alimentaire bruxelloise ? ». Présentation lors du Séminaire « Dessiner le transition », organisé par Metrolab Brussels, Bruxelles, 22 mars 2018.
- Sureau, S, Pauwels, A., Bauler, T., Descampe, A., Labarge, A., Delespesse, F., Pelenc, J., Achten, W.,Wallenborn, G. (2015). “The COSY-Food Project : Assessing Sustainability of Alternative Food Networks in Belgium.” In BAM2015 4th Belgian Agroecology Meeting. Leuven. http://ees.kuleuven.be/bam2015/.
RECOMMANDATIONS
Le projet CosyFood, au même titre que d’autres projets Co-Create « alimentation », a été invité à participer à l’évaluation à mi-parcours de la stratégie Good Food, la stratégie en matière alimentaire de la région Bruxelloise. Nous avons notamment interagi avec Bruxelles Environnement dans le cadre d’une réflexion sur une possible modification du fonctionnement des labels Good Food.
Ceci nous a permis de rédiger des recommandations précises pour cette stratégie, qui sont reprises dans une publication commune à l’Action Co-Create 2015.
Proposition 9 – Créer des conseils conseils consultatifs locaux de politique alimentaire
À Bruxelles, la nécessité d’améliorer la durabilité des pratiques d’approvisionnement, de distribution et de consommation alimentaires est essentiellement portée par la stratégie environnementale régionale Good Food. Si cette stratégie permet, par un conseil consultatif comprenant des acteurs politiques, administratifs, économiques et de la société civile, d’inclure différents points de vue, les citoyens « lambda » et de nombreux acteurs de l’alimentation disposent encore de peu d’espaces de dialogue et de concertation sur cette stratégie et sur les enjeux d’alimentation. Pourtant, cette question n’est-elle pas l’affaire de tous et chacun ? Face à ces constats, la proposition de CosyFood est de créer un espace d’échange plus territorialisé, consultatif, appelé « conseil alimentaire », dans chaque commune bruxelloise.
Afin de valoriser les apprentissages des trois années des 6 projets Co-Create 2015 (dont CosyFood fait partie), le Centre d’Appui de l’action Co-Create a organisé à l’automne 2018 un forum de 3 jours, à l’issue duquel 11 recommandations, soutenues par les 6 projets Co-Create ont été formulées.
Celles-ci s’adressent aux décideurs politiques, aux chercheurs ou encore aux acteurs du secteur alimentaire.
Proposition 10 – Créer une fédération des filières de distribution alimentaires alternatives et durables
Le nombre d’initiatives de distribution alimentaire alternative (hors grande distribution classique) ne cesse de croître au sein du territoire bruxellois. La taille réduite de leurs activités ainsi que la diversité de leurs pratiques ont pour effet de les limiter à un marché de niche orienté vers une compétition interne (« je suis plus durable que toi ») produisant au final un impact – économique, social, écologique et politique – limité et non coordonné. Actuellement désuni, à la fois face aux acteurs économiques dominants et face aux autorités publiques, ce secteur de niche gagnerait à unir ses forces au sein d’une fédération capable de défendre les valeurs et les intérêts communs de ses membres tout en préservant la reconnaissance de leur grande diversité