Est-il possible de mettre en place une solution logistique collaborative qui soit durable et économiquement viable pour la distribution de produits locaux dans et vers la Région de Bruxelles-Capitale ?
Dans le cadre du projet Choud’Bruxelles, plusieurs résultats ont émergé de la recherche qui a été effectuée. Nous avons choisi dans ce document de vous en partager quatre.
1. La co-création comme méthodologie de recherche
2. La collaboration logistique comme piste viable pour les circuits courts
3. L’évaluation de la performance des circuits courts
4. La plateforme eCHOUD
La co-création comme méthodologie de recherche
Pour réaliser le projet Choud’Bruxelles, les partenaires ont adopté une méthodologie de recherche en cocréation. Cette approche a nécessité un changement de posture de la part des partenaires académiques, mais aussi des partenaires de terrain. Pour les chercheurs académiques, leurs rôles n’étaient pas juste une consultation des acteurs de terrain, mais plutôt une coordination du processus participatif pour répondre aux questions de recherche. Les acteurs de terrain ont aussi endossé le rôle de co-chercheur pour identifier les problèmes et les solutions. Cette approche de travail a permis aux co-chercheurs de faire émerger plusieurs résultats et apprentissages sur les enjeux de la logistique des circuits courts
Co-création « Made in Choud’Bruxelles”
Comme l’ensemble des projets Co-Create 2015, le projet Choud’Bruxelles a connu des difficultés dans l’appropriation du concept de co-création au sein de son projet. Ainsi, le projet a consacré du temps en début de projet pour établir un cadre permettant à chaque partenaire de prendre une place de co-chercheur dans le projet. Ce cadre s’est traduit dans un processus de recherche structuré autour de quatre phases de recherche et deux niveaux de co-création.
La première étape sera celle de créativité. Lors de cette première étape, la co-creation a eu lieu en interne du projet avec les partenaires du projet. Il s’agissait principalement de faire un état des lieux en matière de problèmes et de solutions envisageables concernant la logistique des circuits courts.
Dans ce cadre, plusieurs sessions de discussions ont été organisées et facilitées par le RABAD. Lors de ces sessions, il a été notamment question d’apprendre à se connaître entre les partenaires du projet, mais aussi d’échanger sur les attentes, les intérêts de chaque partenaire. Ces discussions ont permis d’élaborer un cadre commun de travail qui s’est traduit par un accord de collaboration. Ensuite, celles-ci ont permis de définir et de planifier les autres phases de la co-création.
A partir de la deuxième phase, la co-création a été élargie au-delà des partenaires du projet pour inclure d’autres acteurs impliqués dans l’alimentation durable à Bruxelles. La deuxième étape est celle du prototypage. Sur la base des apprentissages de la première étape, une plateforme prototype a été réalisée.
La troisième étape est, quant à elle, celle d’expérimentation et de test en grandeur réelle du prototype établi dans la deuxième phase.
Enfin, la quatrième étape est celle de pérennisation. Il a été question d’analyser les opportunités de valoriser et de pérenniser l’ensemble des apprentissages qui ont découlé du projet et de s’assurer que ceux-ci soient adoptés par les usagers.
EVALUATION DE LA PERFORMANCE LOGISTIQUE
Au cours des recherches, il est apparu assez rapidement que la performance des circuits courts était quelque chose de peu voire très rarement mesuré. Or les circuits courts étant par définition même, un schéma logistique particulier comprenant des activités de production, de transport, de stockage, de distribution, entre autres, il semblait opportun de baser l’approche sur la performance logistique des circuits courts. Ceci a permis de donner un angle d’approche pour tenter d’évaluer à quel point un circuit court fonctionne bien ou non. En effet, en logistique « conventionnelle » (industrielle par exemple), il est habituel de proposer des indicateurs pour mesurer si tout se passe comme escomptés. Ce fut tout l’enjeu de la démarche ; adapter les indicateurs « classiques » aux enjeux spécifiques des circuits courts, qui plus est en milieu urbain et ce, en co-création avec les acteurs du terrain
Le projet a identifié plusieurs familles de performance permettant d’évaluer la performance des chaînes logistiques des circuits courts. Il s’agit de:
• la performance environnementale, de l’impact social et du coût de la logistique.
• La fiabilité de la chaîne logistique
• La gestion des actifs logistiques
• Performance financière
• Délais
Pour chaque dimension de la performance, une série d’indicateurs de performance quantifiable ont été identifiés et décrits. Pour que ces résultats soient appropriés par les acteurs de terrains tels que les producteurs, un outil « PerfLog » permettant, à travers une série d’informations sur les flux logistiques, d’évaluer soi-même la performance logistique a été mis en place. Toutefois cet outil se focalise uniquement sur les dimensions de performance suivantes : la performance environnementale, le coût de la logistique, et les délais.
Lorsque toutes les informations sur les flux logistiques sont complétées, l’outil affiche un dashboard présentant les résultats de l’évaluation de la performance. Dans ce dashboard, l’utilisateur pourra trouver les informations suivantes :
L’utilisation du véhicule
Le coût du transport
La durée de transport
Émissions de gaz à effet de serre
Le réseau de distribution
Évaluation de la collaboration logistique
Un outil d’évaluation et d’aide à la décision de la collaboration logistique a également été mis en place. Celui-ci est basé sur de l’outil d’évaluation de la performance PerfLog. Sur base d’informations sur les tournées des participants ainsi que sur la tournée collaborative, l’outil collaboratif estime les gains en termes de taux de chargement. Ensuite, l’outil propose plusieurs méthodes de partage des coûts. C’est aux partenaires de collaboration de choisir celle qui permet d’avoir une répartition juste et équitable. Lorsque la méthode est sélectionnée, l’outil indique l’estimation des coûts de transport avant et après la collaboration logistique pour chaque partenaire ainsi que pour la collaboration logistique.
La collaboration logistique comme piste viable pour les circuits courts
Dans le circuit court, certaines contraintes rendent difficile l’amélioration de la logistique. En effet, le recours à des économies d’échelles ou l’investissement dans certains outils peut s’avérer compliqué. Une des solutions souvent évoquées est la collaboration entre les différents acteurs, en vue de mutualiser les ressources et d’en améliorer l’efficacité.
Le projet Choud’Bruxelles avait notamment comme objectif de tester cette hypothèse en situation réelle. Dans un autre article, nous partageons les résultats de ces tests en termes d’amélioration de la performance. Dans cette section, nous partageons quelques apprentissages qui découlent de notre pratique de la collaboration sur le terrain.
Pour mettre en place une collaboration, nous avons découpé la démarche en trois étapes comme dans le schéma ci-dessous :
Recherche d’un bon partenaire
La recherche de partenaires est sans doute la phase la plus cruciale, et qui demandera le plus de temps. Quels que soient les acteurs impliqués, une personne devra prendre en charge le rôle de facilitateur. Ce rôle étant chronophage, il faut s’assurer que la personne qui s’en charge dispose du temps requis, ainsi que des compétences nécessaires. Il faut aussi pouvoir envisager de valoriser ce temps d’une manière ou d’une autre. Ce facilitateur peut soit être un producteur cherchant à améliorer sa performance logistique, soit un receveur désirant entrer en contact avec de nouveaux fournisseurs, soit une tierce partie ayant intérêt ou comme rôle de faciliter les dynamiques en circuit court.
A la question de « Qu’est-ce qu’un bon partenaire de collaboration ? », nos échanges avec les acteurs des circuits courts nous ont permis de mettre en évidence les critères les plus importants opérationnels pour choisir un partenaire. Il s’agit :
• Du type de produits transportés
• Du jour, de l’heure et du lieu de livraison ;
• La visibilité des prix des produits
• De la fiabilité du transporteur
Design de la collaboration logistique
Ensuite, il est important d’évaluer correctement les coûts de la logistique en collaboration. Ceci pour être à même de les répartir de manière équitable entre les différents acteurs et ainsi éviter des désaccords par la suite. La plateforme eChoud dispose d’un module permettant de répartir ces coûts de manière assez précise pour servir de base lors d’une discussion. Cette répartition peut alors être l’un des points abordés dans des accords – formels ou non- de collaboration, qui eux aussi doivent être discutés avant de se lancer dans l’aventure.
Lors d’élaboration de cet accord de collaboration, les points suivants doivent être faire l’objet d’une discutions :
• Quel est le planning des livraisons sur lesquelles porte la collaboration ? Sur combien de livraisons ? Jusqu’à quelle date ?
• Comment est-ce que les coûts sont répartis ? Les avez-vous calculés précisément ? cf. Perflog pour calculer ceux-ci.
• Est-ce que la collaboration va améliorer la performance logistique de chacun des acteurs ? Si vous voulez vérifier, aller voir notre article sur l’évaluation de la performance de la logistique.
• Quelles sont les règles pour mettre un terme à la collaboration ? Quel est le délai nécessaire pour prévenir les partenaires avant de se retirer de la collaboration ?
• Quelle variation des volumes entre partenaires est tolérée ? Est-ce que la personne qui fait la livraison est prioritaire si ses volumes varient ? Cette question est importante, car les volumes peuvent varier en fonction des commandes et des saisons.
• Comment et quand la personne qui fait la livraison peut-elle faire un retour sur celle-ci ?
Implémentation de la collaboration
Enfin dans la phase de mise en place, nous recommandons de mettre en place des outils permettant de suivre la logistique partagée. En effet, il est important que tous les acteurs aient accès aux mêmes informations et puissent s’assurer que leurs produits soient livrés aux bonnes personnes dans de bonnes conditions.
Quelques exemples de questions qui peuvent être abordées lors de l’évaluation de la collaboration logistique :
• De manière générale, est-ce que l’ensemble des partenaires est satisfait de la collaboration ? Quels sont les points à améliorer ?
• Est-ce que chaque ferme s’y retrouve financièrement ?
• Est-ce que les fermes n’ayant plus de contacts avec leurs débouchés ont toujours suffisamment de retours sur leurs produits ? Est-il nécessaire d’organiser des rencontres entre producteurs et receveurs de temps en temps ?
• Est-ce que la confiance est toujours présente entre toutes les parties prenantes ?
• Et tout simplement : est-ce que les partenaires trouvent qu’une logistique en collaboration est meilleure que lorsqu’ils organisaient celle-ci individuellement ?
Plateforme eCHOUD
Les résultats du projet Choud’Bruxelles se sont matérialisés sous la forme d’une plateforme digitale. Celle-ci a pour but de permettre aux utilisateurs de gérer les flux d’informations de leurs activités logistiques (commandes, clients…), de faciliter l’échange d’informations entre les acteurs du circuit court à l’aide d’un standard commun, d’optimiser leurs livraisons, de mettre en place une collaboration logistique et enfin d’améliorer la visibilité des offres de produits locaux.
L’un des constats ressortis du projet Choud’Bruxelles est l’importance de l’accès aux outils digitaux par les acteurs de l’alimentation durable en circuit court afin de gérer les flux d’informations des différents processus logistiques intervenants de la production à la commercialisation des produits. Ceci sans oublier un des objectifs principaux du projet Choud’Bruxelles notamment la facilitation de la collaboration entre ces différents acteurs par le biais d’une plateforme digitale. Sur base de ces deux objectifs, le projet a développé la plateforme eCHOUD.
Le schéma ci-dessous reprend les principales caractéristiques de la plateforme que nous détaillons ci-dessous :
Fiches produits standardisées
L’une des exigences pour la mise en place d’une collaboration logistique est la capacité des acteurs à pouvoir s’échanger les informations sur leurs flux logistiques. Et la meilleure manière d’y arriver est d’utiliser un langage compréhensible par tous les acteurs. Nous avons dès lors opté pour l’utilisation d’un standard GS1 reconnu dans le secteur de l’agroalimentaire. L’avantage et l’atout principal d’une utilisation standardisée de la fiche produit sont qu’elle permet aux différents utilisateurs de la plateforme, mais également aux futurs partenaires, de parler de façon univoque d’un même produit et d’échanger des informations de façon simple et transparente.
Visibilité & recherche
Une autre fonctionnalité vient du besoin des « receveurs » de pouvoir identifier des producteurs locaux pour certains produits. Cette fonctionnalité est axée autour de trois points :
– La possibilité de faire une recherche produits/producteurs ;
– Gérer une liste de « produits favoris » ;
– Créer un panier avec des produits intéressants et contacter le/la/les producteurs correspondant(s).
Logistique et collaboration
Cette fonctionnalité a pour objectif de gérer les flux d’informations de la commande à la tournée pour ses propres livraisons et la recherche de partenaires potentiels pour mettre en place des tournées collaboratives sur bases de critères logistiques telles que taux de chargement, jours de livraisons, etc
Évaluation de la performance logistique
Sur base des données sur les flux logistiques de l’utilisateur, l’outil permet d’évaluer la performance de ces pratiques logistiques en termes de coûts, impact au niveau de l’environnement, du taux de chargement et des délais.
Au terme des 3 années de recherche, les résultats du projet Choud’Bxl ont été présentés lors du Forum Co-Create.