Le projet « ANCRAGE » vise à définir et interroger avec la communauté de co-chercheur.es ce qui fait obstacle, engage ou empêche le droit à l’éducation pour les jeunes en situation de migration.

Bien trop souvent abordé sous l’angle de l’intégration – le terme même dénote de notre vision de la migration – dans un système scolaire existant, l’ancrage de ces enfants au tissu socio-éducatif bruxellois se fait de manière descendante (l’enfant doit se fondre dans un système, qui tente de répondre à certains de ses besoins, essentiellement en matière d’apprentissage de la langue de scolarisation), déficitaire (la société d’accueil se met en posture de poser des diagnostics et on identifie des lacunes à combler), et institutionnalisée (l’obligation scolaire inscrit l’enfant dans une institution éducative à laquelle il ou elle doit s’intégrer).

Dans une telle perspective, de nombreuses études ont mis en évidence les besoins des jeunes en situation de migration en matière de langue(s), de savoirs, savoir-faire et savoir-être, mais toujours dans cette triple perspective d’une intégration au système existant, d’une identification des faiblesses à combler, et de la mise en place de solutions à ce qui se définit dès lors comme un « problème » par la société d’accueil. Ainsi, la connotation même des termes associés aux jeunes en situation de migration (intégration, société d’accueil, langue cible, primo-arrivant, etc.) signalent des rapports de domination, de catégorisation et de hiérarchie dont on se défait mal tant qu’on pense à « résoudre un problème » dans un « système existant ». Or, la double crise sociale et humaine liée à l’effondrement du système scolaire et de l’accueil, au sein de ce système, des jeunes en situation de migration, impose un changement radical de paradigme.

Dès lors, nous souhaitons faire un large pas de côté par rapport au système scolaire existant, en co-problématisant cette question de l’éducation-apprentissage des jeunes en situation de migration, hors de toute perspective a priori « d’intégration » scolaire, et ce, pour soutenir, entendre et surtout faire entendre, enfin, la parole de ces jeunes et de leur entourage éducatif sur ces questions fondamentales : qu’est-ce que l’éducation, l’enseignement, la formation et l’apprentissage ? Quelles sont les nuances, les délimitations et les objets que recouvrent ces termes ? Quels sont les apprentissages que les jeunes estiment prioritaires et pourquoi ? Où apprennent-ils, comment, avec qui, pourquoi et pour quoi ? Quels sont leurs savoirs (savoirs, savoir-faire, savoir-être, compétences, expériences et connaissances) et d’où viennent-ils ?

Paradoxalement, le présupposé d’une adaptation de l’école aux besoins des élèves en situation de migration (et en toute hypothèse, aux besoins des enfants en général) induit que l’école et l’enseignement incarnent le moteur du changement, alors même qu’il nous semble urgent de permettre aux jeunes mêmes de problématiser ce qu’ils et elles entendent par enseignement, apprentissage, éducation. L’enjeu de cette co-problématisation serait, dès lors, non pas d’améliorer l’école, mais bien d’interroger l’existence même de l’institution « école », et d’autres lieux, acteurs, structures, contenus et formes d’éducation-enseignement-apprentissage pour questionner l’articulation entre le système existant et ce que les jeunes en situation de migration et leur entourage définissent comme les paramètres d’un « modèle socioéducatif » à co-construire.