Focus sur les projets financés en 2020
Dans une démarche de recherche en co-création impliquant une approche transdisciplinaire, nous nous demandons quelles voies emprunter pour s’orienter. Quels points de repère et d’attention peuvent aider à la création et au soutien d’une communauté de sens ? Quelles pistes de solution ont été trouvées et peuvent nous inspirer face aux risques d’égarement dans un écosystème complexe ?
La table ronde « Les projets de l’appel Co-Création et leur écosystème – Témoignages et inspirations à partir de l’édition 2020 », qui s’est déroulée le 19 mars, visait précisément à explorer les voies de passage, de création et de co-construction empruntées par les co-chercheurs, en relation avec leur bailleur Innoviris, et avec l’appui du CACOC, au sein de l’écosystème particulier que constitue le programme Co-Create. Pour engager cette réflexion au sein de notre communauté de pratiques, nous nous sommes appuyé·e·s sur les expériences vécues de co-chercheur·e·s des projets de l’édition 2020 : Arbres, Cidésol et SlowHeat.
Les témoignages des co-chercheur·e·s des projets de l’édition 2020, en dialogue avec Innoviris et le CACOC, nous ont offert un regard unique sur la manière dont les relations multiformes au sein de l’écosystème Co-Create nourrissent et font grandir les acteurs.rices mutuellement dans le paysage de la recherche et de l’innovation de la Région de Bruxelles-Capitale. Les discussions étaient suivies de temps d’échanges avec le public.
La table ronde a été enrichie par la participation de :
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- Pierre Lacroix et Simon De Muynck, co-chercheurs au sein du projet Arbres
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- Bertrand Vanbelle et Sophie Dawance, co-chercheur·e·s au sein du projet Cidésol
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- Grégoire Wallenborn et Geoffrey Van Moeseke, co-chercheurs au sein du projet SlowHeat
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- Xavier Hulhoven, conseiller scientifique à la cellule recherche stratégique d’Innoviris
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- Tessa Boeykens et Laure Malchair, accompagnatrices de recherche en co-création, Centre d’Appui à l’Action Co-Create (CACOC)
Chacun·e des participants à la table ronde a nourri les échanges par son expertise et son expérience unique, permettant d’illustrer concrètement les défis et les réussites de la recherche en co-création. Dans ce compte rendu, vous retrouverez des extraits sélectionnés de la table ronde qui offrent un aperçu des réflexions qui ont émaillé la discussion.
Avant de plonger au cœur des discussions, découvrez les projets qui ont animé les discussions :
Le projet ARBRES : Des administrations bruxelloises communales (Uccle, Forest) et régionale (Bruxelles Environnement) accompagnées de deux associations (Centre d’écologie urbaine ASBL, Velt vzw) se sont réunis, dans une démarche de recherche en co-création, autour de la question de recherche suivante : Comment et sous quelles conditions l’arbre fruitier peut-il augmenter la résilience du système alimentaire bruxellois dans une perspective de durabilité socio-environnementale ?
Le projet CIDESOL : Ce projet visait à déterminer à quelles conditions et avec quels moyens des citoyens non-professionnels de la dépollution peuvent prendre en charge, la dépollution des sols dont ils font usage au moyen de phyto- et myco-remédiation. Un consortium a été mis en place pour accompagner, mettre en réseau et coordonner le projet. Il était composé d’un ensemble d’acteurs·rices :
– Laboratoire d’Ecologie végétale et Biogéochimie de l’ULB : apport des techniques de dépollution et suivi scientifique (phytoremédiation) ; - Tournesol-Zonnebloem asbl : soutien technique et méthodologique à la production de semences et à la culture ; - Laboratoire de Mycoglogie de l’UCL : apport des techniques de dépollution et suivi scientifique (mycoremédiation) ; - Commune Racine asbl : expérimentation et encadrement des pratiques ; - Commune d’Etterbeek (les jardins participatifs d’Etterbeek) : expérimentation et encadrement des pratiques ; - Bruxelles Environnement : intégration dans la stratégie régionale, up scaling ; - Francisco Davila et Sophie Dawance : coordination (engagés par l’ULB pour cette mission).
Le projet SLOWHEAT : Le projet est né de la question de recherche suivante : Dans quelle mesure et à quelles conditions, peut-on réduire nos demandes de chaleur “externe” et être plus résilients – individuellement et collectivement – grâce à la discussion de notre notion de confort, la transformation de nos pratiques de chauffage et à l’exploration de situations basse température, basse énergie ? Le projet a réuni des co-chercheur·e·s de Communa asbl, Habitat et Participation asbl, UCL – Architecture et Climat, UCL – Institut de Recherche et Sciences Psychologiques (IPSY) et ULB : Institut de Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire (IGEAT).
Maintenant que vous êtes familiarisé·e·s avec les projets, plongez au cœur du sujet avec l’introduction qui a permis de situer le programme Co-Create et son originalité au sein du paysage de la recherche et de l’innovation dans la Région de Bruxelles-Capitale, ainsi que les sessions thématiques de la table ronde durant lesquelles les discutant·e·s ont partagé leurs réflexions et leurs expériences.
Le programme Co-Create : originalité et particularités dans le paysage de la recherche et de l’innovation dans la région Bruxelles-Capitale
Lors de la table ronde, Xavier Hulhoven a expliqué comment le programme Co-Create s’inscrit dans le paysage de la recherche et de l’innovation dans la région, en mettant en lumière plusieurs aspects distinctifs du programme :
1. Financement Inclusif : Co-Create se distingue en étant le seul programme à Innoviris qui finance tous les acteur·rices éligibles, qu’il s’agisse d’entreprises, d’organismes non marchands, d’autorités administratives, d’associations ou d’organismes de recherche.
2. Co-Création dès le Départ : Une caractéristique essentielle du programme Co-Create est sa demande que la proposition de financement du projet émane déjà d’une démarche de co-création où le consortium du projet partage une question et un besoin de recherche.
3. Finalité Stratégique : Le programme Co-Create se distingue également par sa finalité stratégique axée sur les transitions sociales et écologiques. Cette orientation stratégique guide les projets financés dans leur démarche d’innovation et de recherche.
4. Durée et Accompagnement : Co-Create offre la possibilité d’un temps long, avec différentes phases d’innovation pouvant être accompagnées sur plusieurs années. C’est notamment le seul programme qui finance une phase de co-problématisation.
5. Transdisciplinarité : Le programme Co-Create encourage la transdisciplinarité en reconnaissant l’importance de l’intégration de différentes formes de savoirs et de constructions de connaissances, permettant ainsi une approche holistique et systémique des défis abordés.
Ces éléments soulignent la nature innovante et inclusive du programme Co-Create, ainsi que son engagement envers une recherche et une innovation responsables, permettant aux acteurs·rices qui ont besoin de se transformer dans leur pratique de le faire.
Si vous souhaitez revisiter l’intervention de Xavier Hulhoven sur l’originalité et les particularités du programme Co-Create, la vidéo correspondante peut être visionnée ci-dessous.
Session 1 : Émergence et construction du design de co-recherche
Lors de cette première session consacrée à l’émergence et la construction du design de co-recherche, les discutants des trois projets ont partagé l’origine de leurs questions de recherche en précisant quels acteurs·rices ont initié cette réflexion. Certains ont souligné l’existence d’une communauté de sens préexistante, tandis que d’autres ont mentionné la nécessité de la (re)créer au cours du processus de recherche en co-création. Ces échanges ont permis de comprendre les différentes dynamiques à l’œuvre dans la genèse des projets et l’implication, ou au contraire les défis liés à l’absence d’implication d’acteurs·rices pour autant concerné·e·s. En parallèle, Xavier Hulhoven a expliqué le rôle d’Innoviris dans la création et l’affinement du design de co-recherche, mettant en évidence la contribution du bailleur à cette aventure. Tessa Boeykens a quant à elle discuté du rôle du CACOC dans le soutien des co-chercheurs·euses dans la construction de leur design de co-recherche.
Si vous souhaitez revisiter les discussions autour des défis rencontrés, mais aussi des trouvailles qui ont permis aux trois projets de créer et de consolider une communauté de sens, vous pouvez visionner cette vidéo :
Session 2 : Prendre le risque de se mettre en co-recherche
Lors de la deuxième session de la table ronde, les discussions ont porté sur les défis et les opportunités associés à l’engagement dans une démarche de recherche en co-création.
Xavier Hulhoven a apporté des éclaircissements sur la signification de “Prendre le risque de se mettre en co-recherche” dans le cadre du programme Co-Create. Il a souligné que ce risque s’articule autour de plusieurs aspects. Tout d’abord, il a abordé le risque classique de la recherche, caractérisé par l’incertitude quant aux résultats et l’absence de retour sur investissement. Dans le contexte de Co-Create, le bailleur prend le risque de financer cette incertitude. Ensuite, Xavier Hulhoven a mis en avant la valeur intrinsèque du processus de co-recherche, soulignant qu’il offre une opportunité riche aux acteurs et actrices impliquées dans les transitions sociales et écologiques. Cette démarche encourage les co-chercheur·e·s à adopter une posture critique vis-à-vis des savoirs établis, ce qui peut être un défi pour certain·e·s. Enfin, il a souligné le risque lié au travail en groupe et à la réalisation collective dans le cadre de la recherche en co-création.
Après avoir exploré les différentes facettes du risque lié à la co-recherche, la discussion s’est ensuite orientée vers les implications concrètes de cette démarche dans les trois projets de l’édition 2020.
Dans le projet SlowHeat, Geoffrey Van Moeseke a souligné que la prise de risque était intimement liée à la question de recherche, mettant en avant la dimension collective de celle-ci comme un défi majeur. Il a également évoqué la place des bénévoles et leur rôle en tant que co-chercheur·e·s, soulignant que travailler avec eux implique une prise de risque. Pour les co-chercheur·e·s, s’engager dans une recherche comporte le risque de remettre en question les normes sociales établies et de changer leurs pratiques et modes de vie.
Simon De Muynck, co-chercheur pour le projet Arbres, a mis en lumière les risques rencontrés dans leur démarche de recherche en co-création en prenant appui sur trois approches mobilisées dans les sciences participatives : l’approche pragmatique, l’approche critique et l’approche clinique. Sur le plan pragmatique, il a mentionné les tensions entre « prendre le risque » dans une démarche de recherche en co-création et la culture institutionnelle « d’aversion pour le risque » portée par les administrations communales. Dans le projet Arbres, cela se répercutait notamment sur les expérimentations et la difficulté de prendre des risques en tension avec l’importance de ne pas commettre d’erreurs, notamment lors de la plantation d’arbres. Du côté de l’approche critique, il a évoqué la nécessité de composer avec des résultats parfois inattendus et de porter un regard critique sur ses propres activités, ce qui est plus familier pour des chercheur·e·s académiques mais moins propre parfois à d’autres acteurs·rices institutionnel·le·s. Enfin, sur l’approche clinique, Simon de Muynck a souligné que la prise en compte de l’impact des relations interpersonnelles est souvent négligée dans les processus de recherche en co-création alors qu’ils jouent pourtant un rôle important.
Quant à Sophie Dawance, impliquée dans le projet Arbres, elle a mis en avant le risque pour les co-chercheur.e.s de sortir de leur zone de confort, ainsi que les solutions trouvées au sein du projet pour favoriser des rapports horizontaux entre les différents acteur·rice·s. Elle souligne : « La co-recherche, c’est aussi accepter parfois qu’une démarche de recherche soit potentiellement un peu moins efficace, mais qu’il est important de la mener quand même, car elle répond à une demande et à un besoin, et qu’elle permet de construire quelque chose qui peut avoir un sens indépendamment de son efficacité scientifique totale ». Si vous souhaitez revivre son intervention, vous pouvez visionner cette vidéo.
Enfin, Laure Malchair a évoqué les différentes initiatives mises en place par le CACOC, qui ont évolué au fil du temps pour accompagner les co-chercheur·e·s des différents projets à sortir de leur zone de confort. Ces initiatives ont été conçues pour favoriser des espaces propices à la réflexivité, à la modification des postures et pour nourrir une communauté de pratiques.
Des pistes de réflexion pour s’orienter dans une démarche de recherche en co-création
Bien qu’il n’y ait pas de voies toutes tracées pour s’engager dans une démarche de recherche en co-création, ni de solutions clés en main pour réussir à co-créer et à s’orienter au sein de l’écosystème de la co-création, les échanges qui ont eu lieu lors de cette table ronde ont permis, à partir des témoignages des projets de l’édition 2020 et enrichis par le débat avec le public, d’ouvrir des perspectives de compréhension des défis, des potentialités et des limites de la co-création.
Si les expériences vécues par les projets comportent à la fois des similarités et des points de convergence, la table ronde a mis en évidence l’importance de capitaliser sur ces expériences passées et de favoriser le dialogue entre les projets entrant dans une démarche de recherche en co-création et ceux qui la concluent, ainsi qu’avec Innoviris et le CACOC. Cela permet à la fois d’offrir aux nouveaux projets une meilleure compréhension de l’écosystème et de leur fournir des pistes pour s’orienter et s’immerger dans le programme Co-Create.
Pour conclure, nous retiendrons que face aux défis que pose la recherche en co-création, le partage d’expérience au sein d’une communauté de pratiques permet d’insuffler une réflexion collective source d’inspiration pour chaque projet dans sa propre recherche de voies et de trouvailles, afin de prendre le risque et de se lancer dans une démarche de recherche en co-création. La démarche des co-chercheur·e·s peut être illustrée par les mots de Pierre Lacroix, co-chercheur au sein du projet Arbres, au cours de la table ronde : « La recherche en co-création quelque part c’est quelque chose de dangereux, de très difficile, pour moi c’est comme un travail d’équilibriste. Ce n’est vraiment pas évident, on n’y est jamais à 100%. Mais quand on arrive à se tenir debout, on sent qui se passe des choses assez fortes. Cela me semble être une manière intéressante d’avancer et d’innover ».
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